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Plumes
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5 avril 2009

Après tout...

« Je vais te dire, moi, ce qui nous ferait du bien. »

Nous étions, comme tous les dimanche depuis très longtemps, assis sur l'herbe au bord de la rivière, nos pieds déchaussés pendant presque jusqu'à la surface de l'eau sale.

« Ah oui ? » Répondis-je distraitement, m'attendant à une de ces réflexions bizarres qui la prenaient souvent.

Non, en fait nous ne nous étions pas trouvés assis ici depuis très longtemps. Depuis les dernières vacances de La Toussaint, peut être. Ou plus loin. Et nous étions en Juillet...

« Il faudrait qu'on mette les choses au clair. »

Je continuais de jouer distraitement avec quelques brins d'herbe sans relever. Alexane disait souvent des choses comme ça. Elle levait la voix, et elle disait qu'on devait arrêter, ou commencer. Ou repartir à zéro, ou encore qu'on devait se dire nos quatre vérités. Des jolies phrases. A chaque fois, tout le monde acquiesçait et applaudissait, tout le monde était d'accord. On balançait quelques banalités, et puis on s'arrêtait là. Et on recommençait nos conneries, jusqu'à ce qu'elle nous dise encore qu'on devait « mettre les choses au clair ».

« Oui, tu as raison... »

Elle ne répondit pas. Intrigué, je levais les yeux vers elle, son regard me fixait. Je l'avais vexée. En soupirant, je continuais :

« Qu'est-ce que tu veux dire par là, exactement ? »

Je pensais qu'elle allait ressortir ce discours que j'avais entendu si souvent. Je pensais qu'elle allait me redire qu'il y avait un abcès à percer et que nous allions nous occuper de ça tout de suite. Mais non, elle eut une autre réaction.

« Tu n'est... Non, écoute, ça fait au moins deux ans qu'on ne s'est pas parlés, pour de vrai. Regarde ce que nous sommes devenus, tous. On s'envoie des piques les uns aux autres, on s'est totalement disloqués, plus grand chose ne nous lie, à part les rancunes que nous éprouvons. C'est... »

Le tremblement de sa voix me poussa à poser sa main sur son épaule. Son sourcil droit se haussait par spasmes, comme souvent lorsqu'elle était en colère. Je ne savais pas quoi dire, trop troublé par la justesse de ses paroles. Elle n'avait pas tord. Mais bon...

« Oui mais maintenant, tu sais, c'est fini, c'est trop tard... »

Elle se dégagea de ma main avec fureur.

« Je n'arrive pas à croire que toi, tu dises ça ! C'est toi, il y a trois ans, qui nous a ralliés, non ? C'était toi, le centre du groupe. C'est toi qui a toujours consolé tout le monde, c'est toi qui nous a calmés, c'est toi qui a fait baisser les tensions quand ça n'allait pas ! Et maintenant, tu oses me dire que c'est fini ? Qu'il n'y a plus rien à faire ? »

Elle tremblait de rage. Son ton était tranchant, sa voix forte, elle m'avait presque fait vaciller. Sous le poids de l'accusation, je rétorquais, poussé par le besoin de me défendre :

« C'est moi qui suis responsable, peut être ? Je n'ai rien fait, je te signale ! »

« Justement, tu n'as rien fait. Tu as laissé les liens se dissoudre sans agir, sans les secouer, sans... »

« J'étais responsable de vous ? »

Maintenant, c'était moi qui était en colère. Comment pouvait-elle tout me mettre sur le dos, alors que j'avais toujours tenté de préserver ce que je pouvais ? Alexane détourna ma question :

« Toujours est-il qu'aujourd'hui, tout le monde s'en veut... »

« Et alors ? Alexane, on a le bac, on s'en va dans deux mois, on ne se reverra peut être jamais, pour la plupart. Alors, à quoi bon tenter de tout recréer ? Pourquoi tu tiens tant à mettre ensemble des personnes qui ne le veulent pas ? »

Elle resta silencieuse, surprise par le ton plus qu'énervé que j'avais utilisé. Il est vrai que j'avais peut être abusé. Elle non plus n'avait rien fait de mal. Elle était juste tombée amoureuse, et je lui en voulais injustement pour ça. Qu'y pouvait-elle si elle était déjà en couple avec moi à l'époque ? Elle avait tenté de se le cacher, c'était moi qui avait fini par la convaincre de me quitter pour la rejoindre. Je voyais bien qu'elle n'avait plus envie de moi, alors à quoi bon ? Avisant sa mine défaite, je marmonnais :

« Désolé. Mais... »

Non, en fait, je n'avais rien de pertinent à dire.

« A ton avis, de qui est-ce la faute ? »

Je ne savais pas. Bien sûr. Probablement avions nous chacun une part de responsabilité dans cette affaire. Ou alors c'était la faute du système, comme nous aimions à le dire. Ou alors nous n'étions pas fait pour durer.

Je haussais les épaules. Je n'avais plus envie de me battre pour maintenir de telles amitiés. J'avais une année difficile à préparer, et je n'étais pas le seul. Et puis, je n'aimais pas le cours que prenait cette conversation, où plutôt le cours qu'elle risquait de prendre si nous la continuions. Aussi je me levais, époussetai l'herbe collée à mon jean, et la regardai, encore assise au bord de l'eau :

« Je suis désolée, je dois y aller. J'ai rendez-vous avec... »

Elle ferma les yeux.

« Va-t-en si tu veux. Je ne t'en garderai pas rancune. »

Honteux, je remis mes chaussures et je m'éloignais. J'avais l'impression de fuir lâchement. Ou alors j'avançais ?

5 Avril 2009

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