Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Plumes
Plumes
Publicité
Archives
28 février 2009

Partenaire particulier

Je suis un être à la recherche

Non pas de la vérité

Mais simplement d'une aventure

Qui sorte un peu de la banalité

Margaux détacha ses cheveux bruns. Elle les attachait souvent pour travailler, parce qu'elle ne supportait pas d'avoir des mèches dans les yeux, mais là, elle pouvait se permettre de les laisser libres. La jeune femme se sourit à elle même dans la vitre en face d'elle, puis reporta son attention sur le chocolat chaud qu'un serveur venait juste de lui apporter. Il était encore brulant et elle les aimait tièdes, quand ils ne risquaient plus de lui brûler la langue. Tant pis, elle attendrait quelques minutes...

A ses pieds, son sac de cours s'appuyait sur ses tibias : il était un peu trop petit pour un des livres qui dépassait, un ouvrage rempli d'annales de grand concours. La jeune femme soupira : les concours en question approchaient, et plus ils se rapprochaient, plus l'ennui l'emplissait. Elle ne s'amusait plus en cours, ses camarades l'ennuyaient, ils étaient trop penchés sur leurs livres, et la partie de la classe qui ne passait pas son temps à travailler était brouillée avec elle depuis un moment pour des raisons stupides. Non, elle avait envie de s'amuser, un peu, de sortir de sa monotonie...

J'en ai assez de ce carcan

Qui m'enferme dans toutes ses règles

Ils me disent de rester dans la norme

Mais l'on finit parfois par s'y ennuyer...

Margaux jeta un coup d'œil à sa montre. A cette heure-ci, elle aurait du être en kholle. Tant pis, elle avait en toute connaissance de cause quitté le lycée assez tard, s'efforçant de ne pas croiser les regards de ses camarades les plus proches. Elle n'avait pas envie, tout simplement. Elle était déjà passée l'année précédente avec ce prof, et savait qu'il allait lui demander la démonstration la plus complexe de son cours... Qu'elle n'avait pas travaillée du tout. Autre chose à faire. Ces derniers jours, au lieu de s'exercer en maths, en physique ou autre, elle avait lu. Et encore, elle n'avait même pas touché aux livres au programme, non, elle s'était enfoncée dans des magazines destinés aux ados françaises les plus stupides. Elle s'était imprégnée de conseils beauté inintéressants, du courrier de lectrices toutes plus superficielles les unes que les autres, des derniers potins de la jet-set hollywoodienne. Elle avait révisé ses classiques en lisant avec attention toutes les inepties que ceux qui se prenaient pour des journalistes pouvaient écrire sur le sexe quand ils s'adressaient à des demoiselles de quinze ans, ainsi que les derniers films en vogue. D'ailleurs, ça faisait longtemps qu'elle n'était pas allée au cinéma... Un an et demi. Et si elle y allait, ce soir ?

Alors je cherche et je trouverai

Cette fille qui me manque tant

Alors je cherche et je trouverai

Cette fille qui me tente tant

Qui me tente tant...

Un bruit la tira de ses pensées. Quelqu'un venait d'entrer dans le café, Margaux se tourna vers lui par réflexe. Un jeune homme, la vingtaine. D'ici, il lui paraissait fatigué, mais il marchait de façon un peu sautillante, démarche curieuse dans cette ambiance de début de soirée. La jeune femme sourit et croisa son regard par hasard. Il lui rendit son sourire, et elle lui indiqua d'un signe qu'il était libre de s'asseoir à sa table si il le souhaitait. C'était bien la première fois qu'elle faisait ça, elle d'habitude un peu timide avec les garçons qu'elle ne connaissait pas, mais là, elle avait envie de prendre une initiative, un peu, de faire quelque chose qui la sortait de l'ordinaire et de ses habitudes trop stables.

Il vint à sa table, après avoir commandé une bière au comptoir. De plus près, elle se rendit compte qu'il avait un physique agréable, quoique un peu déséquilibré : en effet, il se tenait bizarrement, un peu penché sur la gauche, comme si il avait un buste asymétrique. Des cheveux châtain lui tombaient un peu sur les yeux, et, ajoutés à la longue et étroite écharpe à peine enroulée autour de son cou, ils lui donnaient un petit air de poète rêveur. Margaux lui sourit de nouveau, il s'assit un peu maladroitement. Elle posa ses mains à plat sur la table. En fait, comme elle n'avait jamais abordé personne de cette manière, elle n'avait aucune idée de ce qu'elle pouvait bien dire ou faire maintenant.

Partenaire particulier

Cherche partenaire particulière

Débloquée, pas trop timide

Et une bonne dose de savoir faire

Savoir faire...

« Je m'appelle Sébastien. »

La jeune femme entrouvrit les lèvres, surprise. D'ailleurs, en quoi était-il surprenant qu'il sache parler ? Non, c'était réellement sans raison valable, mais elle était surprise de sa phrase, de la simplicité avec laquelle il engageait la conversation. Elle se racla la gorge.

« Moi, c'est Margaux. »

Il hocha la tête d'un air encourageant, le serveur vint lui apporter sa bière, il serra ses doigts autour, comme pour la réchauffer. Elle se rendit compte à cet instant que son chocolat chaud avait du tiédir et le porta à sa bouche pour vérifier. Il était à la température idéale. Elle en but une ou deux gorgées avant de reposer la tasse sur la table, et il prit de nouveau la parole.

« Tu m'as proposée de venir à ta table parce que tu voulais me parler, je suppose ? Ou alors, tu avais juste envie que quelqu'un se mette entre toi et le bonhomme là bas ? Je peux comprendre, c'est vrai qu'il est un peu inquiétant, mais je t'assure qu'il n'est pas dangereux. Ou alors, dernière possibilité, tu ne m'as jamais fait signe de venir à ta table, je l'ai imaginé parce que mon subconscient voulait que j'aille m'asseoir avec toi, et puis, si ça se trouve, tu n'existes pas, moi non plus, et alors le problème est réglé. »

Margaux éclata de rire, encore plus surprise par sa spontanéité. Au passage, elle remarqua qu'il avait de beaux yeux. Elle répondit joyeusement, motivée par le ton enjoué utilisé par son interlocuteur :

« Je t'ai bien fait un signe, quant à savoir si nous existons, c'est un autre problème, mais tu m'excuseras, je n'ai aucune envie d'y réfléchir maintenant. Je voulais te parler, oui... »

Il lui fit un clin d'oeil :

« Et bien parlons. Qu'est-ce tu fais ici ? Je ne t'ai jamais vue. Tu es en voyage, peut être ? Tu viens d'où ? »

Vous comprendrez que de tels péchés

Parfois sont difficiles à avouer

Ils sont autour de moi si fragiles

Ce n'est pas parmi eux que je trouverai

Margaux but une nouvelle gorgée de chocolat, cherchant comment elle allait répondre à toutes ces questions d'un coup. Elle prit une inspiration et commença, une partie d'elle se demandant pourquoi elle était sur le point de se mettre à débiter sa vie :

« C'est bien la première fois que je viens... Je vis juste à côté d'ici, dans le foyer pour étudiants... Depuis près d'un an et demi. »

L'air intéressé, Sébastien pencha la tête :

« Tu vas à la fac ? »

Margaux serra les lèvres. Elle pouvait dire oui et lui laisser croire qu'elle était une étudiante branchée, qui avait ses journées libres pour d'éventuelles sorties, ou alors lui dire la vérité maintenant. Oui, après tout, qu'est-ce qu'elle en avait à faire de ce qu'il pensait ? Elle le connaissait depuis moins de cinq minutes, peu lui importait l'opinion qu'il pouvait bien se faire d'elle ! Avec un petit sourire, qu'elle força un peu au début, la jeune femme répondit :

« Non, je suis en prépa. Scientifique. »

Sébastien eut un léger mouvement de recul, sans doute du à la surprise. Mais, plutôt que de poser une des questions dont elle avait l'habitude, concernant son éloignement du 'monde réel', il hocha la tête d'un air pensif. Après quoi, il demanda tranquillement :

« Et tu t'amuses bien ? »

Margaux fronça les sourcils. Il se moquait d'elle ?

« Comment ça ? »

« Bah, je suppose que tu aimes les maths, puisque ça fait un an et demi que tu en manges toute la journée. Mais tu t'y amuses ? Tu es entourée de futurs ingénieurs passionnants ? Ou alors vous vous tirez tous dans les pattes ? Vous faites le bordel en cours ? »

La jeune femme secoua la tête. Décidément, il avait de ces questions... Un peu décalées, mais n'était-ce pas ce qu'elle était en train de se demander, si elle s'amusait ? Elle se racla encore la gorge après une nouvelle gorgée, puis répondit :

« A vrai dire, pas tant que ça. Les autres travaillent pas mal, et ils sont passionnants sur leur centres d'intérêt. Ils le sont moins quand on les en sort. »

Il eut un sourire.

« Et tu ne partages pas leurs centres d'intérêt. »

« Si, en partie. »

Je dois trouver de nouveaux horizons

Mais je finis parfois par tourner en rond

Margaux resta silencieuse. Son portable était en train de vibrer. Un message de sa voisine de classe, elle s'inquiétait. Avec un soupir, elle lui répondit rapidement et rangea l'appareil dans sa poche, puis elle posa ses coudes sur la table, souriant encore à son interlocuteur. Elle semblait l'intéresser, c'était bon signe. Qui sait, ils garderaient peut être contact ? Voyant qu'il attendait qu'elle soit plus précise, elle continua sur sa lancée :

« Mais parfois, j'ai besoin de changer un peu de paysage. Je décroche un peu en ce moment, tout m'agace... »

« La pression ? »

La jeune femme sourit.

« Pas vraiment. J'ai parmi les meilleurs résultats de ma classe, et ce sans vraiment forcer. Non, je commence à m'ennuyer... »

Alors je cherche et je trouverai

Cette fille qui me manque tant

Alors je cherche et je trouverai

Cette fille qui me tente tant

Qui me tente tant...

Il éclata de rire.

« C'est la meilleure ! Enfin, je comprends ce que tu ressens. J'ai abandonné l'université cette année, pour travailler avec mon père. C'est bien plus intéressant, je rencontre des gens, et j'apprends tout un tas de choses passionnantes. »

Tiens, voilà qu'il se mettait à parler de lui. Pourquoi pas. Margaux finit son chocolat en quelques gorgées, puis réfléchit un instant à ce qu'il disait, tout en se demandant quelle profession fascinante pouvait bien exercer son père. Peintre, dresseur d'ours, cinéaste, photographe, astronome ? Elle hésita un instant à le lui demander, puis décida d'attendre un peu, comme ça, pour préserver le suspens et prolonger le moment qu'ils passaient ensemble.

Partenaire particulier

Cherche partenaire particulière

Débloquée, pas trop timide

Et une bonne dose de savoir faire

Savoir faire...

La conversation continua pendant une bonne heure, heure durant laquelle un autre camarade de classe de Margaux l'appela, elle ne répondit pas. Pour une fois, elle voulait se laisser le droit de s'amuser un peu, d'oublier les concours qui se rapprochaient, de laisser de côté les cours, les exercices et les professeurs. Qu'ils aillent tous au diable... Non, cette soirée, elle voulait la passer avec Sébastien, elle se l'offrait, rien ne pourrait lui faire plus de bien. Elle prenait plaisir à l'écouter lui raconter les rencontres passionnantes qu'il faisait, les découvertes qui le taraudaient, l'épanouissement que sa vie lui permettait d'accomplir. Et elle, elle se mettait à rêver d'avoir, plus tard, un métier qui lui donne la même impression... Dire qu'il avait son âge, à peu de choses près, et qu'il avait déjà déniché la place qui lui allait et qui le rendait heureux, alors qu'elle avait l'impression de perdre son temps à prendre des notes dans une petite salle de classe...

Ils finirent par se lever, avec l'intention de passer la nuit dans le foyer d'étudiants de Margaux. Elle n'avait normalement pas le droit de faire entrer des personnes extérieures la nuit, mais elle n'en avait plus rien à faire, du moins pour ce soir... Tout à son contentement, elle ne se rendit pas compte qu'ils n'avaient pas payé. Alors qu'il lui ouvrait la porte, elle osa lui demander :

« Au fait, qu'est-ce qu'il fait, ton père ? »

« Tu n'avais pas deviné ? Il tient le bar dont nous sortons. »

27 février 2009

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité