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Plumes
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28 février 2009

6h13

Elle observe d'un œil critique ses joues toujours rouges, et croise son propre regard dans le miroir. Elle observe ses cernes grises et se demande si, un jour, elles disparaîtront complètement. Après avoir lancé un léger soupir, elle laisse ses yeux descendre, parcourir son corps encore humide de l'eau chaude dans laquelle elle aurait pu essayer de se noyer. Ses doigts parcourent une fine cicatrice, sur le ventre, lui arrachant un frisson dû au souvenir qu'elle évoque. Sa main remonte, effleure une des plaques de peau abîmée, juste au dessus de la poitrine. Là aussi, les rougeurs sont persistantes, et elle ne peut donner le froid pour cause. Nouveau frisson. La jeune fille remonte son regard pour s'observer à nouveau dans le miroir, et elle reste un instant immobile face à ses yeux graves et ce nez légèrement froncé. Une mèche de cheveux goutte un peu dans son cou, mais elle n'y prête aucune attention. Le regard descend encore, et ses mains se mettent à trembler, mais cette fois, c'est bien à cause du manque de chaleur. Désemparée et quelque peu perdue, elle resserre le peignoir autour de son maigre corps, se rendant encore une fois compte de tout le poids qu'elle a pu perdre au cours des derniers mois. Soupir.

La voix lointaine de la radio lui rappelle que le temps avance, et que, malgré elle, il va falloir qu'elle s'habille et s'apprête à sortir. Ses mains se remettent à trembler, elle serre les poings, faisant légèrement blanchir les jointures de ses phalanges. Ses yeux menacent de laisser sortir une larme, mais elle la retient et relève la tête. Non, elle n'a plus le droit de se laisser aller. Alors, avec des gestes hésitants, elle tend les mains vers ses sous-vêtements et commence lentement à s'habiller. De légers frissons, réguliers, continuent de parcourir son corps mais elle n'y prête pas attention, sachant par expérience qu'ils s'estomperont au fur et à mesure que la nuit s'éloignera. Son regard se fait plus dur lorsqu'elle commence à brosser ses cheveux, songeant intérieurement qu'ils sont vraiment trop longs et qu'il va devenir urgent de les couper. La radio, dans l'autre pièce, continue de sortir ses sons trop peu intelligibles pour qu'elle y prête attention. Elle relève la tête, se demande un instant comment se composer un visage ne reflétant pas trop la nuit blanche qu'elle a manqué de peu, et finit par hausser les épaules. Elle n'a pas envie de s'arranger ce matin, elle ne se maquillera pas, que les remarques sur son teint grisâtre et ses cernes aillent au diable...

Elle descend avaler quelques aliments indéfinis dont le goût lui paraît fade et insipide. En réalité, elle a envie de vomir, mais elle sait aussi que dans l'état où elle est, si elle ne se force pas à manger, elle prend le risque de faire un malaise avant le repas de midi, et que s'évanouir encore une fois en cours provoquera une vague d'inquiétudes et de questions qu'elle ne pourra supporter.

Lorsqu'elle estime avoir assez mangé pour rester debout toute la matinée, elle jette un coup d'œil à l'horloge murale, se rend compte qu'elle risque de rater son bus, soupire et se dépêche d'aller se brosser les dents. Une partie d'elle même tente de la sortir de sa léthargie, puisqu'il faudrait qu'elle se secoue, qu'elle tente de se motiver, qu'elle essaie au moins de s'intéresser à l'environnement extérieur. Elle attrape son sac, se souvient qu'elle ne l'a pas préparé hier soir, donc qu'elle risque d'avoir oublié un livre ou un cahier, prend la peine de l'ouvrir pour en sortir tout ce qu'elle juge superflu, histoire d'alléger un peu le poids qu'elle aura à porter.

Et puis, elle sort rapidement, sans jeter un regard sur sa chambre en désordre, un désordre d'une ampleur qu'elle n'avait pas connue depuis l'été. Tant pis. Si elle se dépêche, elle aura peut être son bus, et alors, elle n'aura pas à marcher. La journée sera éreintante, comme les précédentes et les suivantes. Pourquoi s'est-elle levée, d'ailleurs ? Pourquoi ne pas prétexter un état grippal, une angine ou autre chose ? Non, si elle fait ça, elle ne rattrapera pas ses cours, elle le sait pertinemment. Déjà qu'ils sont dans un état déplorable par rapport à d'habitude, depuis près d'un mois... Il lui est nécessaire, au moins, de venir en classe, même si elle n'y écrit pas grand chose et qu'elle a l'impression que les professeurs parlent dans un micro de mauvaise qualité. Non, elle secouera sa tête, se forcera à l'extirper de ses bras un peu de temps en temps, affichera un sourire adapté aux circonstances, afin de faire illusion et d'éviter de se faire trop questionner. Oui, elle est fatiguée, encore, 'comme tout le monde', ou alors c'est le stress du DS de maths. Ah, oui, c'est vrai, elle a un DS de maths aujourd'hui... Que, bien entendu, elle n'a pas révisé. Elle hausse les épaules. Si elle se plante, ça ne fera qu'un de plus. Dernier soupir, ça va bientôt sonner. Alors, elle se lève, les jambes lourdes et l'impression d'avoir un poids sur les épaules, et elle traîne ses pieds jusqu'en cours, se concentrant pour afficher une expression correcte.

Décembre 2008

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